Contribution climat-énergie, franchissement d’un cap historique en France
Tout l’été, les français auront eu droit à d’interminables débats sur la contribution climat-énergie improprement appelée taxe carbone. A mon sens, nombre de ces débats menés par des journalistes généralement dépourvus de toute culture de sciences dures, ont été biaisés. Est-ce le fait d’une caste minoritaire de journalistes privilégiés qui, on peut l’imaginer, voyagent à longueur d’années en avion, partent en vacances à l’autre bout du monde et pratiquent une multitude d’activités émettrice de CO₂ des bobos qu’ils dénoncent par ailleurs et dont ils forment justement le haut du panier ? Je n’en sais rien. Mais j’ai été personnellement très choqué d’entendre systématiquement leurs préoccupations simulées ou larmoyantes à l’égard de « ceux qui souffrent ». Car de fait, s’ils avaient un tant soit peu lu le rapport Rocard, la contribution climat-énergie n’occasionnera pas de perte de pouvoir d’achat à l’égard des citoyens les plus modestes (ceux qui ne partent ni en vacances l’été ni au sport d’hiver voire ceux qui n’ont tout simplement pas de voiture). Au contraire, pour ces personnes le bilan devrait être financièrement positif. Heureusement que quelques rares journalistes ont réalisé ce travail d’explication indispensable.
En revanche, le forfait remboursé sera à coup sûr dépassé (et c’est heureux) par ceux qui manifestent leur statut social par l’énergie qu’ils sont en mesure de consommer. Car aujourd’hui, la toise qui permet de mesurer le statut social, c’est la capacité de gaspillage d’énergie que possède une personne. Voyez plutôt : immenses maisons mal ou peu isolées, gros 4×4 lourds et énergivores, vols intercontinentaux ou fréquents, viande à tous les repas, téléphones mobiles dernier cri systématiquement acquis, sports nautiques motorisés, pratique du ski l’été, etc. Vous pouvez prendre n’importe quel exemple du luxe idiot, surtout les hypothèses les plus révoltantes (vol commercial en apesanteur), c’est d’abord et surtout un gaspillage d’énergie sidérant. Autrement dit, exhiber sa richesse, c’est témoigner de sa faculté à dilapider de l’énergie… et subséquemment émettre des gaz à effet de serre au détriment des autres habitants de la planète.
Bref, une fois de plus, une partie de la classe médiatique, la plus visible et audible, semble avoir confondu de bas intérêts immédiats avec l’intérêt général pour tenter de berner les français. En effet, le réchauffement climatique constitue un défi majeur étayé par des études scientifiques sérieuses, préoccupantes et librement accessibles qui ne sont pas lues par ceux qui font le métier d’informer et que d’aucuns, en mal de notoriété scientifique ou politique, ont souhaité dénoncer pour exister sur la scène médiatique. J’ai rarement lu et entendu autant de personnes médiocres dans les débats de l’été, invités au motif qu’ils sont supposés représenter ceux qui ne croient pas au réchauffement climatique. Comme s’il s’agissait d’un acte de foi.
Ce n’est pas tout. Par dessus ce brouillage médiatique s’est déclenchée la cacophonie politique. Plutôt que de reconnaître que, même imparfaite, la mesure envisagée allait au moins dans le bon sens, on aura préféré critiquer, souvent sans nuances, pour délégitimer cette décision. C’est sans doute plus porteur politiquement. Pourtant il me semble qu’un tel sujet devait absolument dépasser les clans partisans. Mais les élections régionales à venir auront pesé dans les stratégies des staffs politiques. Dommage.
Dès lors, le Président de la République français* a franchi un cap historique en instituant la contribution climat-énergie. Imparfait certes, mais capital. C’est enfin la reconnaissance par le politique de la réalité du réchauffement climatique. Et depuis Hannah Arendt, on sait la difficulté de tenir pour ferme la réalité des faits.
Or, il incombe de limiter à 2°C, car on ne peut désormais plus l’empêcher, l’ampleur du réchauffement climatique pour ne pas se trouver dans des situations extrêmement désagréables liées à d’éventuels phénomènes d’emballement (notamment dûs au méthane, CH₄). Le développement de l’offre de transport publics, la reconversion de l’agriculture, la production de bien bas-carbone par l’industrie et l’efficacité énergétique des bâtiments constituent des solutions souhaitables vers lesquelles il sera d’autant plus aisé de recourir si le carbone a un prix. On ne peut considérer sérieusement l’habitat passif sans avoir un peu d’égard pour la contribution climat-énergie.
Alors peut-être, l’ironie mordante de Cioran qui écrivait : « j’ai une vision si précise de l’avenir que si j’avais des enfants je les étranglerais sur l’heure », restera au rang de l’aphorisme littéraire.
* qui détermine une politique avec laquelle je ne suis pas nécessairement en accord, loin s’en faut.