Maison passive

Contribution climat-énergie, franchissement d’un cap historique en France

by - 11 septembre 2009 

Tout l’été, les français auront eu droit à d’interminables débats sur la contribution climat-énergie improprement appelée taxe carbone. A mon sens, nombre de ces débats menés par des journalistes généralement dépourvus de toute culture de sciences dures, ont été biaisés. Est-ce le fait d’une caste minoritaire de journalistes privilégiés qui, on peut l’imaginer, voyagent à longueur d’années en avion, partent en vacances à l’autre bout du monde et pratiquent une multitude d’activités émettrice de CO₂ des bobos qu’ils dénoncent par ailleurs et dont ils forment justement le haut du panier ? Je n’en sais rien. Mais j’ai été personnellement très choqué d’entendre systématiquement leurs préoccupations simulées ou larmoyantes à l’égard de « ceux qui souffrent ». Car de fait, s’ils avaient un tant soit peu lu le rapport Rocard, la contribution climat-énergie n’occasionnera pas de perte de pouvoir d’achat à l’égard des citoyens les plus modestes (ceux qui ne partent ni en vacances l’été ni au sport d’hiver voire ceux qui n’ont tout simplement pas de voiture). Au contraire, pour ces personnes le bilan devrait être financièrement positif. Heureusement que quelques rares journalistes ont réalisé ce travail d’explication indispensable.

En revanche, le forfait remboursé sera à coup sûr dépassé (et c’est heureux) par ceux qui manifestent leur statut social par l’énergie qu’ils sont en mesure de consommer. Car aujourd’hui, la toise qui permet de mesurer le statut social, c’est la capacité de gaspillage d’énergie que possède une personne. Voyez plutôt : immenses maisons mal ou peu isolées, gros 4×4 lourds et énergivores, vols intercontinentaux ou fréquents, viande à tous les repas, téléphones mobiles dernier cri systématiquement acquis, sports nautiques motorisés, pratique du ski l’été, etc. Vous pouvez prendre n’importe quel exemple du luxe idiot, surtout les hypothèses les plus révoltantes (vol commercial en apesanteur), c’est d’abord et surtout un gaspillage d’énergie sidérant. Autrement dit, exhiber sa richesse, c’est témoigner de sa faculté à dilapider de l’énergie… et subséquemment émettre des gaz à effet de serre au détriment des autres habitants de la planète.

Bref, une fois de plus, une partie de la classe médiatique, la plus visible et audible, semble avoir confondu de bas intérêts immédiats avec l’intérêt général pour tenter de berner les français. En effet, le réchauffement climatique constitue un défi majeur étayé par des études scientifiques sérieuses, préoccupantes et librement accessibles qui ne sont pas lues par ceux qui font le métier d’informer et que d’aucuns, en mal de notoriété scientifique ou politique, ont souhaité dénoncer pour exister sur la scène médiatique. J’ai rarement lu et entendu autant de personnes médiocres dans les débats de l’été, invités au motif qu’ils sont supposés représenter ceux qui ne croient pas au réchauffement climatique. Comme s’il s’agissait d’un acte de foi.

Ce n’est pas tout. Par dessus ce brouillage médiatique s’est déclenchée la cacophonie politique. Plutôt que de reconnaître que, même imparfaite, la mesure envisagée allait au moins dans le bon sens, on aura préféré critiquer, souvent sans nuances, pour délégitimer cette décision. C’est sans doute plus porteur politiquement. Pourtant il me semble qu’un tel sujet devait absolument dépasser les clans partisans. Mais les élections régionales à venir auront pesé dans les stratégies des staffs politiques. Dommage.

Dès lors, le Président de la République français* a franchi un cap historique en instituant la contribution climat-énergie. Imparfait certes, mais capital. C’est enfin la reconnaissance par le politique de la réalité du réchauffement climatique. Et depuis Hannah Arendt, on sait la difficulté de tenir pour ferme la réalité des faits.

contribution climat énergie

Or, il incombe de limiter à 2°C, car on ne peut désormais plus l’empêcher, l’ampleur du réchauffement climatique pour ne pas se trouver dans des situations extrêmement désagréables liées à d’éventuels phénomènes d’emballement (notamment dûs au méthane, CH₄). Le développement de l’offre de transport publics, la reconversion de l’agriculture, la production de bien bas-carbone par l’industrie et l’efficacité énergétique des bâtiments constituent des solutions souhaitables vers lesquelles il sera d’autant plus aisé de recourir si le carbone a un prix. On ne peut considérer sérieusement l’habitat passif sans avoir un peu d’égard pour la contribution climat-énergie.

Alors peut-être, l’ironie mordante de Cioran qui écrivait : « j’ai une vision si précise de l’avenir que si j’avais des enfants je les étranglerais sur l’heure », restera au rang de l’aphorisme littéraire.

*  qui détermine une politique avec laquelle je ne suis pas nécessairement en accord, loin s’en faut.


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Peintures labélisées Ange Bleu et économiques… en Allemagne

by - 4 septembre 2009 

A l’occasion de la construction ou de la rénovation d’un logement se pose la question du choix des peintures. Que faut-il privilégier ?

Der Blaue EngelDifférents labels coexistent sur le marché et sont supposés guider le choix des consommateurs. Seulement, il ne sont pas tous d’égale exigence, notamment vis-à-vis des émissions des composés organiques volatils, du taux de formaldéhyde, de l’écologie du processus industriel… Le plus ancien label écologique né en Allemagne et dont la sévérité s’accroît régulièrement, constitue sans nul doute le plus exigeant. Il s’agit de L’Ange Bleu ou Der blaue Engel. Quant aux matériaux de construction, on regardera du côté de natureplus qui suscite l’approbation.

Mais pour vous rendre compte de la rigueur de l’Ange Bleu, car il serait trop long ici sur un site dédié à l’habitat passif de vous en proposer le détail, n’hésitez pas à parcourir le site du label (en allemand ou en anglais) ou à défaut, les pages francophones qui y font référence, ici par exemple. Je vous recommande également une compilation sur ce sujet de l’association Prioriterre.

Aldi Süd Deco-StyleMaintenant, si j’ai souhaité vous communiquer les prix affichés par le discounter allemand Aldi Süd, c’est une manière de vous donner une référence basse de prix pour des produits labelisés et « Made in Germany ». Il suffit de cliquer sur l’image ci-contre ou les liens ci-après (peinture mate, laque intérieure brillante ou satinée ou extérieure, colorants, lasure). Vous l’aurez compris, il ne s’agira donc pas de traverser la France et d’émettre du CO₂ pour aller vous approvisionner. Mais il paraît clair que les frontaliers pourront en profiter.

Petite précision, ce discounter allemand, s’il partage pour partie le même nom de celui connu en France, propose pour l’Allemagne du sud, l’Autriche et la Suisse, une démarche fort différente et plutôt convainquante : des magasins construits de telle sorte à consommer peu d’énergie, un assortiment de produits biologiques, frais compris, important dont figure un extrait avec les prix sur le site allemand, voire même pour la filiale autrichienne, un approvisionnement biologique et surtout local en partenariat avec Greenpeace. Quant à l’aspect social, je ne sais si nos hypermarchés à la française, loin des centre-villes et proposant des dizaines de milliers de références, dont beaucoup de superflu, soient meilleurs élèves.

Pour les autres fournisseurs de peintures au label Ange Bleu, rendez vous sur cette page.

Retour sur les 3e assises nationales de la construction passive – II

by - 2 septembre 2009 

Paul Lueftung

Lors de ces 3e assises nationales de la construction passive, M. Paul, dirigeant de l’entreprise du même nom, représentée en France, a réalisé une démonstration brillante et vraiment très convaincante sur la comparaison ventilation naturelle, VMC simple-flux, VMC double-flux. En tout, 11 cas était considérés. La présentation, assez technique, était agrémentée d’une kyrielle de graphiques issus de mesures prises sur des capteurs de toutes sortes.

Il en a résulté que :
– en dépit de la consommation électrique de la VMC double-flux, son bilan énergétique est sur l’année le plus favorable, et de très loin ! Le plus mauvais bilan est celui de la VMC simple flux qui absorbe de l’électricité et perd simultanément 100 % des calories de l’air évacué. En effet, si l’on y songe, la VMC simple-flux est un appareil qui consomme de l’énergie et, en période de chauffage, envoie en continu de l’air chaud aux petits oiseaux. Un non-sens aujourd’hui.

– entre plusieurs double-flux, il incombe de prendre garde à ce que la VMC double-flux choisie ait une performance électrique de premier plan, c’est-à-dire une limite définie de consommation par m³ d’air transporté (≤ 0,4 Wh/m³) et un rendement élevé (≥ 80%), deux paramètres pris en compte par la certification du Passivhaus Institut et le logiciel PHPP. Cela exclue les VMC double-flux bas de gamme. Légitimement, la présentation faisait valoir que les double-flux Paul satisfont évidemment à ces critères. Mais il faut bien reconnaître que les produits Paul apparaissent depuis longtemps comme des références en la matière ;

– la VMC double-flux permet une évacuation des polluants (COV, pollens…) la meilleure des 11 cas considérés et maintient le radon (gaz radioactif d’origine naturelle) toujours très en deçà des seuils recommandés (M. Paul habite une maison passive dans une région où le radon est présent). Le pire des cas, c’est la ventilation naturelle qui peut occasionner une remontée du radon dans les étages et ne permet pas d’assurer un renouvellement d’air suffisant à moins d’ouvrir très fréquemment les fenêtres au prix d’énormes pertes thermiques en hiver.

Vous l’aurez compris, dans tout projet de construction, les VMC double-flux hautes performances sont donc à privilégier.

Encore une chose, le coût de remplacement des filtres participait de la comparaison coûts/bénéfices. Bref, rien ne fut omis, une démonstration impeccable.

Paul Ventilation

Retour sur les 3e assises nationales de la construction passive – I

by - 30 août 2009 

Les 3e assises nationales de la construction passive se sont achevées en avril dernier. Mais je tenais à vous en faire une petite série de retours personnels même ci celle-ci est plutôt tardive.

Outre les interventions du Professeur Feist, très didactiques, nos amis allemands, autrichiens, danois ou d’outre-Quiévrain ont rappelé constamment et opportunément la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.


Crédit photo: Pascal Billery-Schneider, reproductible sous licence CC 3.0 BY-SA

Constat réjouissant : l’habitat passif continue sa progression constante en Europe. Divers projets ont été réalisés au Danemark que vous pourrez retrouver ici. Et dans le sud du pays, le célèbre architecte Frank Gehry est en charge de la réhabilitation d’un quartier industriel de Sønderborg, une municipalité à minorité allemande située sur la mer Baltique. Sont prévus 50 000 m² de bâtiments mêlant logements, bureaux, administrations, hôtels. Il s’agit du « Projet Zéro » dont le but est d’atteindre la neutralité en CO₂ d’ici 2030. Le premier objectif consiste à diviser par deux dès 2020, la consommation d’électricité des ménages et de réduire les émissions de CO₂ de 75%. L’ambition s’avère aussi économique, faire naître un savoir-faire dans les technologies économes en énergie.

Lodenareal
Crédit illustration : © NHT Innsbruck, architectes : din a4 ZT GmbH, Teamk2 ZT GmbH

En Autriche, avance Günther Lang, des programmes de très grande ampleur, à coup de dizaines de milliers de m² sont en cours, notamment le projet Innsbruck Lodenareal de NHT, le quartier Wien 3 et ses 1 700 logements et 136 000 m² ou encore Wien 22 qui surgira sur 250 ha, à l’emplacement de l’ancien terrain d’aviation d’Asper comprenant environ 7 000 logements, des magasins, des centres culturels et éducatifs, une université et son campus, des centres de recherches et des bureaux. Le projet s’appuie sur le cabinet suédois d’architecture et urbanisme Tovatt. Rien que pour Wien 22 et du fait de l’immensité du projet et de sa construction au standard passif, le potentiel d’économie annuelle s’élève à 210 GWh ! Il va démarrer fin 2009. D’autres projets vont aussi voir le jour à Salzbourg, à Linz… bref à travers tout le pays.

Selon les projections de l’IG Passivhaus Österreich : à l’horizon 2014, 98 % des constructions atteindront la norme maison passive pour le neuf et 10 % pour l’ancien. Impressionnant ! Et dès l’année prochaine, 30% des constructions neuves seront conformes à ce standard de qualité au pays des lacs cristallins et des compositeurs.

Ce chiffre est à mettre en perspective avec celui qui nous a été précisé lors des assises, à savoir qu’en France, 90 % des constructions neuves actuelles ne respecteraient pas, au plan thermique, les exigences de la norme française RT2005. On mesure ainsi l’immense différence entre le label passif qui pose une obligation de résultat (la qualité thermique voulue doit être au rendez-vous et l’étanchéité est vérifiée in situ) et la norme française qui se borne à indiquer les moyens pour espérer parvenir à un résultat déjà trop peu ambitieux.

De fait et fort à propos, nos amis autrichiens martèlent une devise : Une fois passif, toujours passif. En d’autres termes, il n’y aura pas lieu dans 30 ans de revenir, à grand frais sur l’isolation d’un bâtiment passif. Vous qui me lisez, vous savez que j’ai dans l’idée que se dessine le contraire pour les bâtiments au label franco-français Effinergie® BBC qui n’exigent curieusement aucune performance thermique sur l’enveloppe du bâtiment.

Olivier Henz

Côté intervenants, une autre présentation vraiment très concluante a été menée par l’architecte Olivier Henz. Il s’agissait de rénover une maison de ville, possédant un certain nombre d’ouvertures au nord et impossible, en raison de contraintes d’urbanisme, à isoler par l’extérieur. Au départ, il n’était pas prévu d’atteindre le standard passif, d’autant qu’avec une isolation à exécuter nécessairement par l’intérieur, le résultat paraissait a priori impossible. C’était sans compter sur la grande inventivité de cet architecte. Pour faire vite, le principe consiste à reconstituer, en utilisant les planchers bois existant mais en les désolidarisant de la paroi d’origine, une ossature bois à l’intérieur de la maison, isolée avec de la ouate de cellulose. Des simulations montraient par itérations, d’année en année, non seulement que la cellulose ne se chargeait pas en eau mais aussi que la paroi d’origine perdait progressivement de son humidité. Quant à la réalisation des travaux, elle paraissait tout aussi accomplie que l’exposé était parfaitement clair.

Je suis également intervenu pour présenter notre projet niçois qui a reçu bon accueil.

Les assises furent également l’occasion de rencontrer concrètement de multiples personnes et notamment l’équipe d’architectes dynamiques Karawitz, pleinement engagés dans l’habitat passif et dont je vous recommande la visite du site.

Le projet primé de l’architecte Vincent Rigassi, initialement prévu en logement basse consommation à 29 kWh/m².an, à finalement évolué vers le standard maison passive sous label Minergie P. S’agissant d’habitat social, on ne peut que se féliciter d’un tel projet, même si le coût de la construction rend les maîtres d’ouvrage publics encore peu enclins à ce type de construction. Mais il ne s’agit pas d’oublier le coût global incluant le coût d’exploitation sur la durée de vie du bâtiment. Il n’empêche, diminuer le coût de la construction permettrait de séduire davantage de prescripteurs publics. Cela implique une pratique de prix des fournisseurs du marché de l’habitat passif plus en adéquation avec un marché de masse qu’orienté vers un marché de niche.

Un débat, à mon sens typiquement franco-français, a eu lieu sur le fait de savoir s’il n’était pas souhaitable de parler de construction passive plutôt que de maison passive, histoire de ne pas favoriser le rêve de la maison individuelle consommatrice d’espace et mitant en conséquence le paysage. Si je suis bien d’accord que les mots ont un sens, cette proposition m’est apparu saugrenue. En effet, je pense que l’important, alors que nous sommes en retard par rapport à nos voisins, consiste d’abord à montrer dans les faits des habitats passifs fonctionnels, qu’il s’agisse de bâtiments collectifs ou de maisons individuelles. En outre, je ne sache pas en l’occurence qu’il y ait un effet performatif dans le changement de termes proposé. Autrement dit, s’en tenir à l’expression construction passive ne va pas faire naître par magie des habitats passifs collectifs. En revanche, je crois que les professionnels ont l’opportunité, sinon le devoir, de proposer enfin des éco-quartiers passifs qui pourraient rendre la maison individuelle beaucoup moins attrayante.

Pour cela, il me semble qu’un peu d’audace architecturale pour mettre fin au néo-régionalisme souvent de mauvais goût, la surveillance des marges sur les matériaux de construction tout en assurant une grande qualité esthétique et matérielle du bâti, la réflexion sur le lien social et la mobilité dans de tels quartiers seront des critères en l’absence desquelles, mes concitoyens n’adhéreront pas massivement. Vivre même brièvement, l’expérience des éco-quartiers construits par nos amis d’Outre-Rhin, des Pays-Bas ou de Scandinavie, est enrichissant. Rappelons que Freiburg Futour organise des voyages à Fribourg-en-Brisgau pour vous faire découvrir le quartier Vauban, conçu avec la participation active des habitants.

En France, une des solutions consistera peut-être au recours à l’autopromotion de logements passifs. L’entreprise Toits de choix s’emploie non pas à séduire des consommateurs, mais à convaincre, arguments à l’appui, nos concitoyens à prendre part eux-même à l’élaboration d’un projet d’habitat. Une initiative que, personnellement, j’encourage.

Pour terminer, un coup de chapeau aux organisateurs, notamment l’association La Maison Passive France et Cipra France, qui ont effectué un travail à mon sens remarquable durant ces assises.


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