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Retour sur les 3e assises nationales de la construction passive – I

Les 3e assises nationales de la construction passive se sont achevées en avril dernier. Mais je tenais à vous en faire une petite série de retours personnels même ci celle-ci est plutôt tardive.

Outre les interventions du Professeur Feist, très didactiques, nos amis allemands, autrichiens, danois ou d’outre-Quiévrain ont rappelé constamment et opportunément la nécessité de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.


Crédit photo: Pascal Billery-Schneider, reproductible sous licence CC 3.0 BY-SA

Constat réjouissant : l’habitat passif continue sa progression constante en Europe. Divers projets ont été réalisés au Danemark que vous pourrez retrouver ici. Et dans le sud du pays, le célèbre architecte Frank Gehry est en charge de la réhabilitation d’un quartier industriel de Sønderborg, une municipalité à minorité allemande située sur la mer Baltique. Sont prévus 50 000 m² de bâtiments mêlant logements, bureaux, administrations, hôtels. Il s’agit du « Projet Zéro » dont le but est d’atteindre la neutralité en CO₂ d’ici 2030. Le premier objectif consiste à diviser par deux dès 2020, la consommation d’électricité des ménages et de réduire les émissions de CO₂ de 75%. L’ambition s’avère aussi économique, faire naître un savoir-faire dans les technologies économes en énergie.

Lodenareal
Crédit illustration : © NHT Innsbruck, architectes : din a4 ZT GmbH, Teamk2 ZT GmbH

En Autriche, avance Günther Lang, des programmes de très grande ampleur, à coup de dizaines de milliers de m² sont en cours, notamment le projet Innsbruck Lodenareal de NHT, le quartier Wien 3 et ses 1 700 logements et 136 000 m² ou encore Wien 22 qui surgira sur 250 ha, à l’emplacement de l’ancien terrain d’aviation d’Asper comprenant environ 7 000 logements, des magasins, des centres culturels et éducatifs, une université et son campus, des centres de recherches et des bureaux. Le projet s’appuie sur le cabinet suédois d’architecture et urbanisme Tovatt. Rien que pour Wien 22 et du fait de l’immensité du projet et de sa construction au standard passif, le potentiel d’économie annuelle s’élève à 210 GWh ! Il va démarrer fin 2009. D’autres projets vont aussi voir le jour à Salzbourg, à Linz… bref à travers tout le pays.

Selon les projections de l’IG Passivhaus Österreich : à l’horizon 2014, 98 % des constructions atteindront la norme maison passive pour le neuf et 10 % pour l’ancien. Impressionnant ! Et dès l’année prochaine, 30% des constructions neuves seront conformes à ce standard de qualité au pays des lacs cristallins et des compositeurs.

Ce chiffre est à mettre en perspective avec celui qui nous a été précisé lors des assises, à savoir qu’en France, 90 % des constructions neuves actuelles ne respecteraient pas, au plan thermique, les exigences de la norme française RT2005. On mesure ainsi l’immense différence entre le label passif qui pose une obligation de résultat (la qualité thermique voulue doit être au rendez-vous et l’étanchéité est vérifiée in situ) et la norme française qui se borne à indiquer les moyens pour espérer parvenir à un résultat déjà trop peu ambitieux.

De fait et fort à propos, nos amis autrichiens martèlent une devise : Une fois passif, toujours passif. En d’autres termes, il n’y aura pas lieu dans 30 ans de revenir, à grand frais sur l’isolation d’un bâtiment passif. Vous qui me lisez, vous savez que j’ai dans l’idée que se dessine le contraire pour les bâtiments au label franco-français Effinergie® BBC qui n’exigent curieusement aucune performance thermique sur l’enveloppe du bâtiment.

Olivier Henz

Côté intervenants, une autre présentation vraiment très concluante a été menée par l’architecte Olivier Henz. Il s’agissait de rénover une maison de ville, possédant un certain nombre d’ouvertures au nord et impossible, en raison de contraintes d’urbanisme, à isoler par l’extérieur. Au départ, il n’était pas prévu d’atteindre le standard passif, d’autant qu’avec une isolation à exécuter nécessairement par l’intérieur, le résultat paraissait a priori impossible. C’était sans compter sur la grande inventivité de cet architecte. Pour faire vite, le principe consiste à reconstituer, en utilisant les planchers bois existant mais en les désolidarisant de la paroi d’origine, une ossature bois à l’intérieur de la maison, isolée avec de la ouate de cellulose. Des simulations montraient par itérations, d’année en année, non seulement que la cellulose ne se chargeait pas en eau mais aussi que la paroi d’origine perdait progressivement de son humidité. Quant à la réalisation des travaux, elle paraissait tout aussi accomplie que l’exposé était parfaitement clair.

Je suis également intervenu pour présenter notre projet niçois qui a reçu bon accueil.

Les assises furent également l’occasion de rencontrer concrètement de multiples personnes et notamment l’équipe d’architectes dynamiques Karawitz, pleinement engagés dans l’habitat passif et dont je vous recommande la visite du site.

Le projet primé de l’architecte Vincent Rigassi, initialement prévu en logement basse consommation à 29 kWh/m².an, à finalement évolué vers le standard maison passive sous label Minergie P. S’agissant d’habitat social, on ne peut que se féliciter d’un tel projet, même si le coût de la construction rend les maîtres d’ouvrage publics encore peu enclins à ce type de construction. Mais il ne s’agit pas d’oublier le coût global incluant le coût d’exploitation sur la durée de vie du bâtiment. Il n’empêche, diminuer le coût de la construction permettrait de séduire davantage de prescripteurs publics. Cela implique une pratique de prix des fournisseurs du marché de l’habitat passif plus en adéquation avec un marché de masse qu’orienté vers un marché de niche.

Un débat, à mon sens typiquement franco-français, a eu lieu sur le fait de savoir s’il n’était pas souhaitable de parler de construction passive plutôt que de maison passive, histoire de ne pas favoriser le rêve de la maison individuelle consommatrice d’espace et mitant en conséquence le paysage. Si je suis bien d’accord que les mots ont un sens, cette proposition m’est apparu saugrenue. En effet, je pense que l’important, alors que nous sommes en retard par rapport à nos voisins, consiste d’abord à montrer dans les faits des habitats passifs fonctionnels, qu’il s’agisse de bâtiments collectifs ou de maisons individuelles. En outre, je ne sache pas en l’occurence qu’il y ait un effet performatif dans le changement de termes proposé. Autrement dit, s’en tenir à l’expression construction passive ne va pas faire naître par magie des habitats passifs collectifs. En revanche, je crois que les professionnels ont l’opportunité, sinon le devoir, de proposer enfin des éco-quartiers passifs qui pourraient rendre la maison individuelle beaucoup moins attrayante.

Pour cela, il me semble qu’un peu d’audace architecturale pour mettre fin au néo-régionalisme souvent de mauvais goût, la surveillance des marges sur les matériaux de construction tout en assurant une grande qualité esthétique et matérielle du bâti, la réflexion sur le lien social et la mobilité dans de tels quartiers seront des critères en l’absence desquelles, mes concitoyens n’adhéreront pas massivement. Vivre même brièvement, l’expérience des éco-quartiers construits par nos amis d’Outre-Rhin, des Pays-Bas ou de Scandinavie, est enrichissant. Rappelons que Freiburg Futour organise des voyages à Fribourg-en-Brisgau pour vous faire découvrir le quartier Vauban, conçu avec la participation active des habitants.

En France, une des solutions consistera peut-être au recours à l’autopromotion de logements passifs. L’entreprise Toits de choix s’emploie non pas à séduire des consommateurs, mais à convaincre, arguments à l’appui, nos concitoyens à prendre part eux-même à l’élaboration d’un projet d’habitat. Une initiative que, personnellement, j’encourage.

Pour terminer, un coup de chapeau aux organisateurs, notamment l’association La Maison Passive France et Cipra France, qui ont effectué un travail à mon sens remarquable durant ces assises.